À toi la chanceuse qui tombe virtuellement amoureuse!
Dès les premières minutes, ton cœur savait. Rarement, il s’était mis à trembler aussi fort d’un premier regard. Ce n’était pas une aventure d’un soir ni un coup de foudre puisque vos âmes s’étaient rencontrées dans les contrées virtuelles. Du matin jusqu’au soir, sans jamais vous lasser, vos messages se croisaient. Dès le début, vous aviez jeté les dés. Il n’y aurait pas de gagnants, ni de perdants, simplement deux participants. Deux personnes qui affichent clairement leur intérêt et ne craignent pas de s’ouvrir, de conquérir et de rêver à deux.
Et si ça prenait cet élan pour y parvenir, pour faire naitre un avenir.
Vous aviez aboli les règles de la petite rencontre parfaite. Il ne restait que vous et votre existence secrète. Le bonheur de voir son avatar se glisser dans ton monde virtuel comme une grande bouffée d’air frais. Le plaisir de t’endormir avec ses bisous frileux qui te rappellent à quel point il est heureux, là maintenant. Puis doucement s’installe la proximité qui te fait sentir en sécurité. Tu n’es pas naïve. Tu choisis consciemment cet état éphémère, car tu en as envie. Tu es virtuellement amoureuse de cet homme et de votre relation platonique. Bien sûr, tu ne peux pas l’aimer sans le connaitre, mais tu peux être amoureuse sans buts précis. Tes papillons sont affolés comme rarement depuis des années et sa présence est déjà immense. Après tu verras. Plus tard tu sauras, mais aujourd’hui pourquoi pas. Tu as le droit de vivre ça! Tu choisis de vivre intensément le moment et de miser grand. Tu as peut-être plus de chance que la moyenne de tomber amoureuse finalement.
Tu ne penses pas révolutionner la romance, mais la machine ne te rebute pas. Ce qui compte c’est l’onde et le message n’est-ce pas? De plus, la liaison virtuelle a ce petit je-ne-sais-quoi de vintage : la correspondance, le mystère, l’attente, le rêve, l’envie et le secret.
Tu lis ses messages et tu souris tout le temps. Ton ventre se serre et tes yeux ne veulent plus quitter ton écran quand tu lui souhaites bonne nuit. Tu aurais envie de lui dire à quel point tu aimerais un jour dormir contre lui, mais tu préfères le mystère, chaque chose en son temps. Puis quand les astres s’alignent, lorsque la déception du réel pourrait être plus difficile que le manque de ta relation virtuelle, tu fonces. Tu quittes le plan V (virtuel) pour entrer dans le plan R (réel). La petite frousse essentielle qui te donne cet air invincible et drôlement sexy.
Enfin, tu peux le voir sourire et entendre sa voix. Tu l’imaginais depuis longtemps, ce regard et ce premier baiser qui n’a pas manqué de te faire frissonner. Tu avais toujours envie de le revoir et lui ne voulait jamais repartir. Son corps était parfait pour toi, ses bras te cherchaient où que tu sois. Chaque fois que tu le retrouvais, tu posais ta tête dans son petit creux d’épaule et tu inspirais la vie. Après un moment, tu as même cessé de regarder les autres hommes. Puis tu t’es questionnée. Tu as eu peur de t’attacher. Pourtant tout ton être l’aimait sans retenue, mais ta tête refusait de sombrer. Tu as fait marche arrière pour contrôler ton élan, mais tu es tombée quand même. Tu es tombée en amour! Toi, la fille qui dit à tout le monde qu’on ne tombe pas en amour, qu’on le construit. Toi, la rationnelle qui gères tes amours virtuels comme on se protège d'un bonheur éphémère.
Sur la rive d'une belle année de fréquentation, tu as tranquillement ressenti ses absences et ce vide étrange. Il doutait et le virtuel le fascinait encore. Il cherchait secrètement ailleurs pensant en trouver une meilleure. L'amour virtuel est plus facile, sans peur et sans avenir, il se vit au présent et sans engagement.
Un certain soir de février, dont tu tais la date pour ne pas froisser les blasés de l’amour commercialisé, tu t’es mise à royalement détester son manque d’attention. Suspendu au pied de ta coupe, enroulée dans ta jetée comme une bobine usée, tu as été foudroyée. Tu t’es effondrée. Tu as pleuré, impuissante, devant cet éclair de lucidité.
Tu venais de comprendre que rien n’allait changer. Quoi que tu fasses, quoi que tu donnes, il n’aurait pas la capacité de t’aimer assez. Assez sonne comme une tonne, comme la vérité. Il n’était pas prêt. Il t’aimait simplement au présent, pas de futur simple, pas de passé composé, même pas d’imparfait. Il n’avait pas su reconnaître l’amour dans le réel.
Il t’a offert un amour qui n’a jamais voulu quitter le port de peur de faire naufrage. Tu lui as offert le cadeau d’une vie: la chance de reconnaître le grand amour après t’avoir perdu. Tu croiseras surement sur ton chemin, un homme qui cherche cet amour perdu. Cette fois, vous quitterez le port, car vous n’aurez plus peur de faire naufrage.
Les tempêtes que l’on traverse ne nous font plus peur, elles nous donnent du courage.